Mise à jour importante: ToutRetenir.com est mon nouveau site d’instruction gratuit touchant à tout ce qui concerne directement ou indirectement la mémoire et l’apprentissage. Artdelamemoire.org n’est plus mis à jour depuis bien longtemps. Je vous conseille donc de laisser de côté ce site et de vous rediriger vers toutretenir.com.
Vous avez probablement déjà dit quelque chose comme “Je ne suis pas bon en math”, “Je ne suis pas bon en langues”, “Je ne suis pas bon en musique”, “Je ne suis pas bon en sports”, “J’ai une mauvaise mémoire!” Peut-être aviez-vous en partie raison. Le problème, c’est qu’en disant ou en pensant cela, vous sous-entendez que c’est une sorte fatalité. Comme si le fait de ne pas avoir développé telle ou telle habileté était une composante fondamentale votre identité. L’étape suivante, c’est de se dire qu’il ne sert à rien de pratiquer quelque chose si l’on pas le “talent” nécessaire. Vaut mieux partir à la recherche de son “talent”, le trouver et se concentrer dessus.
Je comprends cela. J’ai longtemps entretenu des idées similaires. Mon attitude a spectaculairement changé lorsque, à l’âge de 26 ans, j’ai pour la première fois découvert le concept de neuroplasticité en lisant le livre The Brain that Changes Itself*. L’ouvrage explique comment nos cerveaux peuvent réorganiser leur structure et se transformer tout au long de nos vies, y compris durant l'âge adulte et durant ce qu’on appelle le "troisième âge". Notre cerveau n’est pas comme une espèce de machine qui est bien douée pour bien des choses, mais qui est malheureusement incapable d’apprendre à faire quoi que ce soit d’autre. Contrairement à une machine, nos cerveaux se reconfigurent constamment pour s’adapter aux circonstances et pour pouvoir faire face aux défis auxquels vous êtes confrontés.
* Petite parenthèse: Le livre The Brain that Changes Itself est bien fascinant, mais vous n’avez pas nécessairement besoin de le lire. Vous pouvez très bien vous contenter de comprendre vaguement le concept de neuroplasticité ainsi que ses principales implications.
On peut involontairement transformer nos cerveaux pour les conditionner à, par exemple, être psychologiquement dépendants aux cellulaires et aux réseaux sociaux. On peut aussi, en s’y prenant de la bonne façon, travailler certaines habiletés spécifiques de façon réfléchie et délibérée. La pratique de nouvelles habiletés complexes force le cerveau à reconfigurer certaines parties pour les rendre plus efficaces. Imaginez que vous avez une série de câbles électriques dans votre tête. Quand vous apprenez quelque chose de nouveau, vous réorganisez la façon dont tous ces câbles sont connectés et vous rajoutez de l’isolant autour de certains câbles pour que l’information circule plus vite. Les transformations qui s’opèrent peuvent être subtiles ou elles peuvent être spectaculaires. Avec les technologies dont on dispose, on peut, par exemple, observer que dans les cerveaux des chauffeurs de taxi de Londres, l’hippocampe postérieur droit est 7% plus gros que dans le reste de la population. On peut voir que les musiciens ont au moins 3 différentes parties de leur cerveau qui sont particulièrement développées. Et on peut voir que les gens à qui l’on a demandé d’apprendre à jongler durant 30 minutes par jour pendant quelques semaines ont augmenté de 5% la quantité de connexions présentes dans une partie du lobe pariétal.
Je ne sais pas ce que vous inspirent ces informations. Peut-être que ce n’est rien de nouveau pour vous. En ce qui me concerne, la découverte du concept de neuroplasticité a radicalement transformé ma perception de ce qu’il est possible d’accomplir. Ça a fait en sorte que je pouvais me lancer dans n’importe quel défi, n’importe quel projet, avec en tête l’idée que ce n’était pas grave si j’étais mauvais parce que ce n’était qu’une question de temps et de pratique et d’effort pour que les connexions nécessaires se fassent et pour que la tâche devienne possible. Je pouvais choisir d’entrainer certaines habiletés intellectuelles un peu de la même façon que je pouvais choisir d’entrainer certains muscles. Je sais que cette conception est simpliste et incomplète. Je sais aussi qu’elle reste extrêmement utile, inspirante et globalement correcte. J’ai de bonnes raisons de me croire capable de développer plus ou moins n’importe quelle habileté. Je pense que c’est vrai pour moi, et je pense que c’est vrai pour vous aussi. Lorsqu’on sait comment s’en servir, nos cerveaux peuvent devenir des machines à apprendre remarquablement efficaces.
Avertissement par contre: c’est aussi possible de pratiquer la même activité pendant des années sans ne jamais s’améliorer. Les conducteurs qui ont 20 ans d’expérience ne sont pas nécessairement meilleurs que ceux qui n’en ont que trois. Les enseignants qui sont sur le bord de la retraite ne sont pas nécessairement les meilleurs. Parce qu’il ne suffit pas d’y mettre du temps, il faut aussi savoir comment s’y prendre et comment pratiquer ce que le psychologue Anders Ericsson appelle de l'entrainement délibéré. L’entrainement délibéré, c’est extrêmement efficace, mais ce n’est pas facile. Même lorsque vous faites tout ce que vous devez faire, le développement de nos habiletés intellectuelles ne se fait pas de façon magique ni de façon infinie. L’apprentissage est rarement très simple. Il peut parfois être rapide, mais il n’est jamais instantané. Pour toute sorte de raisons, certaines personnes apprennent plus facilement ou plus lentement que d’autres. L’âge est rarement un obstacle insurmontable, mais oui dans plusieurs circonstances c’est bel et bien un handicap. Cela dit, à moins que vous ne souhaitiez gagner une médaille d’or aux olympiques, devenir astronaute ou exceller dans un domaine ultra compétitif, je ne pense pas que vous devriez laisser votre âge ou votre soi-disant absence de talent inné limiter vos objectifs. Qui a dit que vous deviez absolument être le meilleur ou la meilleure? Who cares? Que vous ayez ou non une facilité particulière, ça ne change rien au fait qu’il y a une infinité d’habiletés que, en vous y prenant de la bonne façon, vous êtes capable de développer.
Mon objectif avec ce site et avec cette page, c’est qu'avec quelques efforts, vous soyez équipé pour relever plus ou moins n’importe quel défi lié à la mémoire ou à l’apprentissage. Rien ne vous oblige à relever ces défis. Votre valeur en tant qu’être humain ne dépend pas de vos habiletés, pas plus qu’elle ne dépend de vos possessions. Mais je veux que vous sachiez que l’option existe et que la compétence dans un domaine nouveau est beaucoup plus accessible que vous ne l’imaginez. Je sais que ça peut sembler être une bien belle promesse bien exagérée, mais je ne dis pas cela à la légère.
Avec quelle mentalité aborder l’apprentissage
La mentalité avec laquelle un projet d’apprentissage est abordé est l’un des principaux facteurs qui déterminent le succès ou l’échec du projet en question. Il faut se croire capable d’apprendre malgré les difficultés initiales. Il faut persévérer et développer un certain intérêt, même lorsqu’au départ le sujet nous semble intimidant et/ou inintéressant. Il faut garder en tête le fait que votre cerveau, tout comme votre corps, peut être entrainé et transformé. Si vous avez déjà réussi à devenir doué dans un domaine où initialement vous étiez archinul, vous le savez déjà. Si vous pensez au contraire que vos habiletés dépendent principalement de vos gênes ou de votre “talent”, vous allez devoir apprendre à changer votre mentalité sur le sujet.
Par défaut, dans la plupart des domaines, nous faisons généralement preuve de ce qu’on appelle un “fixed mindset” et percevons nos habiletés comme une série de “talents” tous plus ou moins innés. Je suis bon dans tel domaine et je ne suis pas bon dans tel autre domaine. Cela nous amène à nous en tenir aux activités que nous maîtrisons déjà, à voir les erreurs, les efforts et les difficultés comme des signes de lacunes personnelles et à rapidement abandonner face à l’adversité. L’opposé du “fixed mindset” est le “growth mindset”, une mentalité axée sur l’apprentissage, sur les efforts et sur les progrès à long terme. On fait preuve d’un growth mindset lorsque l’on considère nos habiletés comme étant transformables par les efforts et par l’entrainement, que l’on cesse de craindre les nouveaux défis et que l’on commence à percevoir les erreurs comme des opportunités d’apprentissage. Cette dichotomie est simpliste, mais globalement correcte. Des études sérieuses ont été menées sur le sujet et il semble bien que d’encourager le développement d’un growth mindset mène à des progrès substantiels chez plusieurs individus de tous les âges.
À partir du moment que l'on comprend que nos cerveaux et nos corps peuvent être transformés et que tout ou presque peut être appris, soudainement le champ des possibilités qui s’offrent à nous devient beaucoup, beaucoup plus large. Ce qui initialement semble impossible peut devenir possible, et ce qui est possible peut devenir carrément facile. Mais pour pouvoir en arriver là, il faut investir des efforts et il faut se croire capable de surmonter les obstacles auxquels tôt ou tard nous allons faire face. Alors la prochaine fois que vous serez sur le point de déclarer que vous n'êtes "pas bon" dans un domaine qui vous tient à coeur, ajoutez simplement les mots "pour l'instant" à la fin de votre phrase.
Précision importante: Mes articles incluent souvent des liens vidéos vers de longues conférences ou entrevues trouvées sur Youtube ou ailleurs. Je tiens à préciser que je ne souhaite pas que la présence de ces liens soit interprétée comme une recommandation du type “je pense que vous devriez passer les 45 prochaines minutes de votre vie assis devant votre ordinateur à regarder ce vidéo”. Les liens vidéos ne sont (presque) jamais indispensables et ils sont fournis seulement pour ceux et celles qui souhaitent en apprendre davantage. Si vous souhaitez les écouter en format mp3 sans devoir rester devant votre écran, certains des outils qui se trouvent sur cette page risquent fort de vous être utiles.
Liens optionnels utiles:
Résumé du livre “The Brain that Changes Itself” portant sur la neuroplasticité.
Autre résumé du même livre.
Bill Gates commentant l’ouvrage de Carol Dweck qui a popularisé les concepts de "growth mindset" et de "fixed mindset": (ou si vous préférez, voici un vidéo qui résument les deux concepts en 5 minutes, avec des dessins).
Une série de notes prises après la lecture de ce même ouvrage.
Présentation et discussion de 47 minutes réalisées dans les locaux de Google (Notez en passant que pour tous les liens sur Youbube, si cela ne nuit pas trop à votre niveau de compréhension, vous pouvez cliquer sur la petite rondelle en bas à droite de l’écran pour accélérer de 25 ou 50 ou même 100% la vitesse du visionnement. Vous pouvez aussi les télécharger en version mp3 en utilisant un outil comme celui-ci.).
Documentaire de 52 minutes sur la neuroplasticité.
TED talk de 6 minutes sur le concept de “grit”, sur comment la passion et la persévérance à long terme sont des facteurs beaucoup plus importants que le QI ou le “talent”.
Encore sur le “grit”, présentation et discussion de 52 minutes réalisées dans les locaux de Google.
Animation TED-Ed de 5 minutes expliquant comment fonctionne l’apprentissage.
Cela peut souvent être utile et inspirant que de s’instruire sur les parcours de gens qui sont parvenus à atteindre les sommets dans leur domaine. Si vous aimez écouter des podcasts, j’ai mes réserves concernant certains invités et certains des messages qui y sont promus, mais il est indéniable qu’on peut apprendre énormément en écoutant certains épisodes de programmes comme (sans ordre particulier) Finding Mastery, Impact Theory, le Rich Roll Podcast ou le Tim Ferriss Show.
L'entraînement délibéré, pour toutes les formes d’apprentissage
L’art de la mémoire est un outil absolument extraordinaire, mais bien entendu il faut plus que des techniques de mémorisation si l’on souhaite apprendre à, par exemple, danser, faire un art martial, jouer d’un instrument de musique ou résoudre des problèmes mathématiques complexes. Heureusement, lorsque les conditions sont propices, à peu près n’importe qui peut apprendre à développer plus ou moins n'importe quelle habileté. On ne peut pas tous devenir le ou la meilleure au monde, mais on peut tous s’améliorer de façon assez spectaculaire. Pour développer une nouvelle habileté, l’ingrédient le plus indispensable n’est pas le “talent”, c’est plutôt ce que le psychologue Anders Ericsson appelle "l'entraînement délibéré". Si vous avez un “growth mindset”, que vous procédez de façon intelligente et que vous êtes prêt à investir le temps et les efforts nécessaires, il n’y a pratiquement aucune compétence qui est complètement hors de votre portée. Combien de temps? Si l'on parle de devenir un véritable expert, quelqu'un qui est clairement parmi les meilleurs au monde, la réponse va varier selon les domaines, mais dans tous les cas on parle de plusieurs années et de plusieurs milliers d'heures. Mais si vous souhaitez seulement être "bon" ou "compétent" et que vous vous y prenez de la bonne façon, vous pouvez développer une nouvelle habileté en un total d’environ seulement 20 heures de pratique, soit moins de temps que la plupart des Québécois passent devant la télévision à chaque semaine. On parle d'environ 45 minutes d'entraînement par jour pendant un mois. Cela peut aussi se faire sur une plus longue période en pratiquant moins fréquemment. Il est possible d’accélérer l’apprentissage en pratiquant plus longtemps à chaque jour, mais sachez que vos corps et vos cerveaux auront toujours besoin d’une certaine quantité de temps et de sommeil pour réellement consolider vos nouvelles connaissances et habiletés. Investir toutes ces périodes de pratique n'est pas nécessairement facile, mais ce n'est certainement pas surhumain. En réservant, par exemple, trois périodes de 60 minutes chacune par semaine à la pratique, il n'est pas irréaliste de penser que vous pourriez développer trois habiletés complètement nouvelles au cours des 6 prochains mois.
Pour être efficace, les principaux ingrédients à garder en tête sont les suivants:
Information: Consulter les experts, soit en ligne ou en personne ou à travers la lecture, peut nous épargner d’innombrables d’heures d’efforts à moitié gaspillés. Avec du matériel d’instruction de qualité, il est souvent possible de par exemple, apprendre le mouvement de base de la jonglerie à 3 balles ou encore la méthode pour débutants pour résoudre un cube Rubik en seulement une heure ou deux ou en une, deux ou trois soirées. À l’opposé, réussir à faire la même chose en improvisant par soi-même peut sembler pratiquement impossible. On souhaite aussi éviter d’apprendre incorrectement et de développer de mauvaises habitudes. Pour un enseignant, il est souvent plus facile d’enseigner une nouvelle technique à un complet débutant que d’enseigner la même chose à quelqu’un qui s’entraine incorrectement depuis trop longtemps. Avoir accès à des instructions précises, adéquates et bien formulées peut apporter une aide inestimable aux apprenants de tous les niveaux. Il faut par contre éviter de tomber dans le piège inverse en utilisant la lecture et la recherche comme une forme de procrastination. Nous n’avons pas besoin de beaucoup d’instruction avant de pouver nous attaquer aux premières étapes. Vouloir tout apprendre à l’avance est une perte de temps et d’énergie. La majorité de ce que vous pouvez lire ou entendre sur des sujets complexes n’aura que très peu de sens si vous n’avez pas d’abord pris la peine d’acquérir certaines connaissancese et compétences de base.
Division: Règle générale, rien n'est particulièrement difficile si vous divisez la tâche en une série d'éléments plus simples qui peuvent être d’abord pratiqués séparément avant d’être combinés. Résoudre un cube Rubik, par exemple, ce n’est pas un truc difficile, c’est plusieurs dizaines de trucs très faciles. La même chose est vraie de la plupart des habiletés complexes. Une fois atteint une certaine compétence de base avec les fondements, il devient rapidement pertinent de faire le contraire et de pratiquer de façon mélangée différents concepts et habiletés qui sont interreliés. La recherche n’est pas toujours claire sur le sujet, mais il semble sage d’alterner entre la pratique d’éléments très spécifiques et la pratique plus générale d’une habileté dans son ensemble.
Sélection: Tentez de tout apprendre en même temps, c’est une excellente façon de se rendre nulle part à toute vitesse. Il faut plutôt se concentrer d'abord sur les éléments les plus fondamentaux, ceux qui vont produire un maximum de résultats. Dans un peu tous les domaines, cela vaut la peine de garder en tête ce qu’on appelle le principe Pareto et de concentrer ses énergies sur les 20% d’activités qui vont vous apporter 80% des résultats. Pour l’apprentissage d’une langue par exemple, on concentre ses efforts sur la prononciation, sur les 1000 ou 2000 ou 3000 mots les plus communément utilisés et sur la grammaire de base. À la guitare, vous pouvez jouer une bonne partie des chansons les plus populaires des dernières décennies en vous concentrant seulement sur 4 accords. Et je ne connais pas vraiment le Jiu Jitsu, mais je suis certain qu’il existe une série de techniques de base qui sont suffisantes pour remporter la grande majorité des combats.
Séquence: Les éléments à apprendre doivent bien sûr être ordonnés de façon logique. On n’ignore pas les mathématiques élémentaires avant de s’attaquer aux mathématiques avancées. On n’apprend pas à faire un backflip si l’on est présentement incapable de sauter suffisamment haut. Et on ne tente pas de révolutionner l’astrophysique si les concepts de base du domaine nous échappent. Règle générale, il faut d’abord s’assurer de bien maîtriser les fondements avant de s’attaquer aux éléments plus complexes. On peut à l’occasion se lancer des défis qui semblent au-delà de nos habiletés actuelles, mais la majorité de notre temps et de nos efforts devraient être consacrés à la maîtrise des éléments fondamentaux d’une habileté (travailler ses gammes au piano par exemple). Si une action semble être beaucoup trop difficile, c’est probablement parce que vous avez négligé certaines étapes en cours de route.
Intensité: C’est un thème qui revient constamment dans l'entraînement des experts. On peut procéder de façon plus relaxe lorsque l’on s’amuse ou lorsque l’on consolide quelque chose que l’on maitrise déjà relativement bien, mais lorsqu’on souhaite s’améliorer, il faut se pratiquer avec des objectifs spécifiques qui sont légèrement au-delà de notre zone de confort. Idéalement, il faut viser des objectifs que vous avez de bonnes chances de réussir au cours des deux ou trois prochaines séances de pratique. L’apprentissage se fait de façon plus efficace lorsqu’il est difficile, mais sans être décourageant. Viser un niveau de difficulté qui est environ 4% au-delà de sa zone de confort est une bonne règle générale. Ce niveau d’intensité ne peut être atteint que si vous éliminez toutes les sources possibles de distration et que vous consacrez 100% de votre attention à l’activité. De brèves périodes d'efforts intenses valent davantage que de bien plus longues périodes d'efforts modérés.
Fréquence: Se pratiquer aussi fréquemment que possible, même si ce n’est que durant quelques minutes. La constance est plus importante que la durée. Vingt minutes de pratiques quotidiennes valent davantage que cinq heures consécutives une fois par semaine. L'apprentissage est consolidé durant les nuits de sommeil (particulièrement durant les deux dernières heures d'une nuit de 8 heures) qui séparent nos périodes de pratique. Si vous êtes motivé et que vous avez davantage de temps et d’énergie, une période de 90 minutes de concentration permet de produire d’excellents résultats.
Feedback: Idéalement fourni par un coach compétent, sinon par une analyse rigoureuse de sa propre performance. Régulièrement observer et analyser des performances d’expert (sur Youtube ou ailleurs) peut également être très instructif. Plus vous aurez en tête une image claire et détaillée des différents éléments d’une excellente performance, plus vous parviendrez à vous auto-corriger de façon autonomome. Dans tous les cas, il faut éviter de simplement se mettre sur le pilote automatique et il faut trouver des façons de vérifier si vous êtes ou non sur la bonne voie. Vous ne souhaitez surtout pas répéter mille fois la même erreur par inadvertance. Apprendre de façon approximative et imparfaite n’est pas un grand problème si vous êtes heureux de vous limiter au développement de certaines compétences de base. Mais plus vos objectifs à long terme sont ambitieux, plus il est important d’éviter de pratiquer incorrectement et de développer de mauvaises habitudes.
Analyse: Ça va avec le feedback. Quels sont les défauts à corriger? Quels types d’exercice pouvez-vous pratiquer pour y remédier? Comment s'y prendre pour continuer de s'améliorer? Il faut traiter son apprentissage comme un scientifique, mettre l’emphase sur ses faiblesses et expérimenter. Pour les joueurs d’échecs, le facteur numéro 1 pour prédire le niveau d’habileté atteint n’est ni le quotient intellectuel, ni le nombre de parties jouées, mais bien le temps passé à analyser ses anciennes parties.
Enjeux: Ou entêtement si vous préférez. Il faut mettre sur pied un plan d'entraînement et s’assurer de le respecter. Il est facile de faire de belles résolutions, il est plus difficile de les mettre en pratique. Pour que l’individu distrait et imprévisible que vous êtes parvienne à s’activer de façon régulière, cela aide de bloquer à l’avance des périodes de temps consacrées à la pratique, de les inscrire dans son agenda, de laisser son cellulaire fermé dans une autre pièce, d’installer des mines antipersonnelles devant sa porte et de ne pas ressortir avant que notre période de 10, 20, 30 ou 90 minutes de pratique ne soit terminée. Pour s'assurer que l'on va persévérer assez longtemps, on peut utiliser la pression sociale (s'entraîner avec quelqu’un d’autre ou encore s’engager ouvertement auprès des autres) ou, plus efficace encore, déterminer une série de conséquences réelles qui nous seront imposées en cas d’échecs. La menace de voir 200$ être débité de votre compte de banque et remis à la campagne électorale de [insérez ici une figure que vous ne pouvez pas sentir] peut motiver à faire bien des miracles. De tels engagements peuvent être pris avec des outils comme www.beeminder.com/
L’acronyme pour retenir ces éléments est IDSIFAE (une IDée SI FAcilE). Le “S” et le “F” de l’acronyme correspondent chacun à deux éléments.
Liens optionnels utiles:
TED talk de 19 minutes sur comment il est possible de passer du niveau complet débutant au niveau intermédiaire en une vingtaine d'heures de pratique réparties sur quelques semaines.
Exemple d’une méthode qui fonctionne (ou si vous préférez, la même méthode présentée dans une conférence de 24 minutes)
Cours en ligne gratuit et excellent sur l'apprentissage.
Résumé de l'excellent ouvrage sur lequel le cours en ligne ci-dessus est basé.
Pour développer une expertise de haut niveau
Aussi surprenant que cela puisse paraître, dans la plupart des domaines, le niveau de compétence n’est que faiblement corrélé avec les années d’expérience. Il est par contre très fortement corrélé avec la quantité d’heures consacrées à de véritables formes d’entraînement délibéré. Attention, “l’entraînement délibéré” est une expression qui se réfère à quelque chose de très spécifique. Il ne suffit pas de répéter une action encore et encore et encore. Le problème est qu'après avoir développé un niveau de compétence de base, généralement soit les gens cessent de fournir des efforts, soit ils n’ont plus de réels moyens de savoir si ce qu’ils font fonctionne ou non (d’où la pertinence de se fier à des données objectives). L'entraînement délibéré demande des efforts et n’est pas toujours amusant. Pratiquer au-delà de sa zone de confort est, par définition, inconfortable.
Comment pouvons-nous donc dépasser les niveaux intermédiaires et continuer de s’améliorer sur le long terme? La réponse n'est pas simple, mais essentiellement il faut éviter de se mettre sur le pilote automatique, continuer de se fixer des objectifs précis qui sont légèrement au-dessus de notre zone de confort et analyser rigoureusement nos erreurs mêmes les plus minimes. Si vous souhaitez lire un livre sur le sujet, “Peak” de Anders Ericsson et Robert Pool est excellent. "Mastery" de Robert Greene peut aussi servir de source d'inspiration.
Liens optionnels utiles:
Entrevue intéressante avec Anders Ericsson et Robert Pool.
Autre entrevue intéressante avec les deux mêmes auteurs.
Vidéo qui résume leur livre en 7 minutes.
Présentation de 17 minutes sur comment on peut dépasser le niveau “good enough” sur lequel il est facile de rester bloqué.
Autres ressources sur l’entraînement délibéré.
Pour les geeks, la section bibliographie de ce site suggère plusieurs autres ouvrages fascinants.
Quelques précisions concernant l'apprentissage des langues
Tous les principes énoncés auparavant s’appliquent.
Mon auteur préféré sur le sujet se nomme Gabriel Wyner. Vous pouvez l’entendre formuler de particulièrement bons conseils dans cette entrevue, ou vous pouvez lire essentiellement les mêmes conseils dans cet article ou cet autre article. Son livre est tout aussi excellent.
Les seuls éléments importants que j’ajouterais sont le fait que, pour l’acquisition initiale du vocabulaire de base, l’utilisation de mnémoniques peut être tellement efficace que je pense que cela vaut la peine de sacrifier un peu de la pureté de l’approche “sans traduction” préconisée par Wyner. Wyner admets dans son livre que “mnemonics are awesome” et il nous enseigne comment les utiliser pour se souvenir de, par exemple, le genre des mots en allemand. Je ne sais pas pourquoi il se limite à cette application. À vous de voir, règle générale je vous dirais de vous fier sur lui plutôt que sur moi, mais j’ai l’impression qu’il sous-estime à quel point, avec un peu d’entrainement, les mnémoniques peuvent accélérer plusieurs formes d’apprentissage. À ce sujet, voici un article fascinant expliquant comment l’auteur de Moonwalking With Einstein a utilisé des mnémoniques pour apprendre 1100 mots de Lingala (une langue parlée surtout dans le nord du Congo) en une série de très courtes pratiques qui en tout ne totalisent que 22 heures (notez que ses courtes pratiques ont été étalées sur une périodes de trois mois, le “in a day” qu’on voit dans le sous-titre de l’article a sans doute été ajouté par un éditeur pressé qui n’a pas lu l’article). Ou encore, voici un court vidéo montrant un exemple de ce qu’un mnémoniste bien entrainé peut réussir à accomplir en étudiant l’espagnol pendant seulement un mois. Notez que l’apprentissage de l’espagnol est je pense beaucoup plus difficile pour un Suédois comme lui que pour un francophone.
Plusieurs mots n’ont pas besoin de mnémonique pour être appris, véhicule/vehiculo par exemple. Mais pour bien d’autres, les trucs de mémorisation peuvent grandement accélérer l’apprentissage initial. Une fois qu’un certain niveau de familiarité avec le nouveau mot a été développé, on peut bien sûr oublier le “truc” que nous avons utilisé au début. Il est possible de placer les nouveaux mots dans des palais de mémoire avec une image pour la prononciation interagissant avec une image pour la signification. Cependant, il est parfois plus simple d’oublier les palais de mémoire et de se contenter sur les associations directes. À vous de voir encore une fois.
Liens optionnels utiles:
Autres conseils utiles et intéressants.
Si vous étiez anglophone, je vous songerais peut-être à utiliser ce produit.
Quel rôle pour la mémorisation?
L’utilité de la mémorisation est particulièrement évidente pour ce qu’on appelle les connaissances déclaratives, pour tout ce qui peut être simplement formulé à haute voix ou écrit. J’ose espérer que je n’ai pas besoin de vous convaincre de l’utilité de la mémorisation pour quelqu’un qui souhaite apprendre une nouvelle langue ou encore devenir médecin ou historien. Pour quelqu’un qui souhaite devenir programmeur, pensez à tout le temps que vous pourriez sauver à long terme en apprenant, par exemple, la majorité des raccourcis clavier qui peuvent vous être utiles. Pour les “connaissances procédurales” - comment faire quelque chose (attacher ses souliers, faire cuire du riz, prononcer correctement les mots dans une autre langue, écrire un texte argumentatif, jouer d’un instrument de musique) - il faut bien évidemment aller au-delà de la simple mémorisation et s’entrainer à la pratique des différentes composantes de l’habileté en question. C’était là le sujet de l’article que vous venez de lire.
Cela dit, la mémorisation peut parfois être utile même pour une habileté comme “danser le swing”. Si vous connaissez disons 10 ou 30 ou 100 mouvements différents, ça peut être pratique de leur donner un nom, de les placer dans un ordre arbitraire et de mémoriser la liste comme s’il s’agissait d’une liste de mots aléatoires. Cela permet entre autres de ne pas négliger de pratiquer certains mouvements au profit des autres. Cela permet aussi de pouvoir tous les visualiser dans votre tête alors que vous marchez ou que vous prenez l’autobus. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, visualiser clairement la pratique d’une action permet de s’améliorer presque autant que lorsque l’on pratique réellement l’action en question. Vous pourriez faire la même chose pour une chorégraphie que vous souhaitez apprendre: la diviser en quelques grandes sections, choisir un nom ou une image représentant chacune de ces sections et les mémoriser à l’aide d’un palais de mémoire. Chaque section peut être très courte ou relativement longue, selon vos préférences et votre niveau de confort.
Trois petites citations que j’aime bien
Vous ne les trouverez dans aucune autre compilation de citations inspirantes:
Celle-ci est extraite d'une étude sur l'entraînement d'athlètes olympiques et citée par Angela Duckworth dans son ouvrage Grit - The Power of Passion and Perseverance : “Superlative performance is really a confluence of dozens of small skills or activities, each one learned or stumbled upon, which have been carefully drilled into habit and then are fitted together in a synthesized whole. There is nothing extraordinary or superhuman in any one of those actions; only the fact that they are done consistently and correctly, and all together, produce excellence.”
Celle-ci est improvisée en entrevue par Alex Mullen, trois fois champion du monde de mémorisation: "Recognize that a lot of barriers are just psychological. People in 15 years are destroying the old world records for memory, records that at the time people thought were close to unbeatable. People thought that we were at the limits of human memory and [we're now destroying those records]. It just goes to show that those were psychological barriers and I think the same is true for most things in life. [...] Recognizing that is important to be able to accomplish anything."
Et celle-ci est improvisée par Tim Ferriss à la fin d'une entrevue lorsqu'on lui demande quelle est sa "definition of greatness": (longue pause) "Trying to be just a little bit better, inch by inch, millimeter by millimeter, whether it's the next day or the next week and not beating yourself up about it. If you fail, for an entire week, for an entire month, just get up and brush the dirt up and get back to it. It's not a straight line. It's a very jagged, intimidating and sometimes exhausting experience. Nobody who does huge things just takes off like a smooth rocket shot, it's a roller coaster. The biggest names you can imagine (...) all of these people have self-doubt, they have moments where they want to give it all up and quit and just sleep under the covers and not get out of bed for the day. So my definition of greatness is recognizing that's part of the human condition. You're not a failure if you feel that way. I certainly feel that way, quite a bit, even today (...), it's very intimidating and I don't think it goes away. It's not about overcoming your fears all the time, it's about facing your fears and be like "Ok, I'm afraid, but I'm gonna keep on plugging away anyway.""