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Note: Je vous réfère à ce glossaire si jamais j'utilise un terme avec lequel vous n'êtes pas familier.
À quoi sert un “palais d’entrainement”?
J’appelle “palais d’entrainement” tous les palais de mémoire qu’on va réutiliser des dizaines, voir même des centaines ou des milliers de fois pour différents types d’information. L’opposé d’un “palais d’entrainement” est ce que j’appelle un “palais d’entreposage”, un palais de mémoire où les images vont résider de façon permanente ou semi-permanente afin de ne jamais être oubliées. J’utilise parfois mes palais d’entrainement pour retenir à court ou moyen terme des informations dont je n’ai besoin que pour un moment. Cela pourrait être les principaux points à aborder lors d’une présentation orale, une liste de trucs à acheter ou encore les 3 ou 10 ou 30 points intéressants entendus dans un podcast que je souhaite pouvoir noter quelque part le soir venu ou le lendemain. Une fois les informations notées ou utilisées, je cesse d’y penser et les images associées vont rapidement s’affaiblir, laissant le palais de mémoire “libre” pour de multiples utilisations futures. Si j’étais aux études, je pourrais aussi choisir d’utiliser des palais d’entrainement pour me préparer rapidement pour les examens des cours qui ne m’intéressent pas particulièrement. Je pourrais alors passer l’examen en riant avant de recommencer à me concentrer sur d’autres choses. Le petit pourcentage du cours que je souhaite retenir à plus long terme, j’irais le placer dans un plus petit “palais d’entreposage” et/ou dans Anki.
Mais le plus souvent, j’utilise les palais d’entrainement surtout pour…. bien oui pour l’entrainement. Je m’entraîne en tentant de retenir aussi rapidement que possible des informations qui n'ont aucune importance et que je ne n’essaierai pas de retenir à long terme. Le plus souvent dans mon cas ce sont des chiffres, des paquets de cartes ou des listes de mots aléatoires. Je me prête à cette étrange pratique parce que c'est un bien amusant exercice de créativité, de visualisation et de concentration et aussi parce que ça me rend plus efficace quand vient le temps de retenir quelque chose d'important. L'entrainement permet de devenir progressivement meilleur dans l'art de transformer l'information en images, de les “voir” dans notre tête (on ne les “voit” pas vraiment, c’est une façon de parler) et de les organiser de façon à ne pas les oublier. Sans pouvoir mesurer rigoureusement cet effet, je crois que mes habiletés accrues pour la visualisation ont eu pour moi plusieurs bénéfices indirects dans des domaines qui ne sont pas liés à la mémorisation. Si je joue au billard, si je joue aux échecs, si je grimpe un mur d’escalade, j’ai à tort ou à raison l’impression de pouvoir plus facilement anticiper ce qui s’en vient en créant des représentations mentales avec les éléments les plus importants. Si je devais réparer le moteur d’une voiture ou résoudre une équation algébrique, je crois que là aussi il y aurait des bénéfices indirects. Je réalise qu’il s’agit là d’une hypothèse bien difficile à prouver et c’est très possible que ce ne soit qu’une illusion. Je vous laisse juger si cela vous semble plausible ou non.
Outre ces avantages, il y a un réel sentiment de satisfaction qui vient avec le fait de se fixer des objectifs et de faire de son mieux pour ensuite les atteindre. Quand j’ai commencé initialement avec les chiffres et les cartes, je pensais initialement que j’allais être satisfait si je pouvais apprendre à retenir 100 chiffres ou un jeu de cartes complet en 5 minutes. J’étais effectivement bien fier lorsque j’y suis parvenu, mais sachant qu’il ne s’agissait là que d’une fraction de ce qui est possible, j’ai plus tard eu envie de repousser mes limites plus loin. En 2016 j’ai commencé à m'entrainer plus régulièrement, environ 20 minutes par jour, deux journées sur trois. Parfois plus, souvent moins ou pas du tout. Je n’ai pas maintenu ce rythme de façon constante. Souvent j'arrêtais complètement pendant un bon bout de temps avant de m’y remettre. Résultat: après un an et demi d’entrainements très irréguliers, je parvenais à mémoriser un jeu de cartes complet en 47 secondes, 200 chiffres en moins de 5 minutes, 23 noms et visages en 60 secondes et 130 mots aléatoires dans l’ordre en 15 minutes. Tous ces objectifs m'auraient jadis semblé complètement hors de portée. J’ai depuis ralenti le rythme pour, au moins pour le moment, me concentrer davantage sur l’enseignement et sur la mémorisation à long terme d’informations utiles ou intéressantes, mais je continue de pratiquer ce type d’exercices de temps à autre. Je peux parfois passer trois mois sans m’entrainer, mais mes habiletés ne disparaissent pas pour autant. La seule conséquence est que j’ai temporairement perdu un peu de vitesse. Tôt ou tard je vais me remettre à l’entraînement de façon plus régulière, juste pour le défi et pour voir jusqu’où je suis capable de me rendre.
Je vous rassure tout de suite, il n’est absolument pas nécessaire d’apprendre à devenir ultra rapide pour devenir doué dans l’utilisation de l’art de la mémoire. Voyez par exemple ce que l’auteure Lynne Kelly est parvenue à mémoriser en s’inspirant des méthodes utilisées dans les sociétés sans écriture. Wow! Et tout cela alors qu’elle était déjà dans la soixantaine. Elle ne s’est intéressée aux compétitions de mémorisation que beaucoup plus tard. Si votre intérêt pour la mémorisation est limité aux utilisations pratiques et à la rétention à long terme, il n’est pas nécessaire de s’adonner à ce qu’on appelle la “mémorisation sportive” (retenir des informations inutiles le plus rapidement possible). Je pense cependant que vous devriez au moins prendre la peine de vous y initier, ne serait-ce que pour que vous puissiez vous sentir plus à l’aise et en confiance avant de commencer à étudier pour votre prochain examen. Et qui sait, peut-être allez-vous prendre goût à l’expérience?
Comment créer un palais d’entrainement
Il n'est normalement pas nécessaire de prendre le temps de planifier ses palais de mémoire avant de commencer à les remplir. Si par exemple vous étudiez pour un examen, après avoir identifié les principaux points que vous souhaitez retenir, vous pourriez simplement choisir un point de départ dans un lieu (disons le gymnase de votre école primaire) et commencer à y placer des images en improvisant votre trajet comme bon vous semble. Mais si vous vous entraînez à retenir des chiffres ou des mots aléatoires le plus rapidement possible, avoir certains palais que vous connaissez particulièrement bien, où vous savez déjà exactement où placer la première image, la deuxième et ainsi de suite, permet à long terme de sauver beaucoup de temps et de faciliter le processus. J'ai plusieurs palais d'entrainement, mais la grande majorité des gens n'ont pas besoin d'en avoir plus de deux ou trois. Pour créer un palais d'entrainement, commencez par choisir un lieu, n'importe lequel. Si le lieu est très grand, vous pouvez bien sûr n'en utiliser qu'une partie. Et si certaines sections vous semblent sans intérêt, vous pouvez choisir de les ignorer. Ce n'est pas obligatoire, mais si vous le souhaitez vous pouvez dessiner le plan de votre palais ou même le prendre en photo. Ce n’est pas grave si votre plan n’est pas beau, que les proportions sont inexactes et que vous faites plusieurs erreurs.
Une fois votre lieu choisi, imaginez un trajet que vous pourriez emprunter pour l'explorer. Idéalement le trajet devrait vous permettre de parcourir la majorité des endroits intéressants qui le composent, mais ce n’est pas grave si n’est pas le cas. Que certaines sections des lieux restent inutilisées n’est pas un problème, surtout lorsque ces sections sont un peu moins mémorables que les autres. Cela simplifie les choses si votre trajet vous permet de passer partout où vous souhaitez aller sans que vous n’ayez à revenir sur vos pas, mais encore une fois ce n’est pas dramatique si quelques détours s’avèrent nécessaires. Il m'arrive parfois d'imaginer des trajets impossibles où je passe au travers des murs, saute d'un toit à l'autre ou prends un portail qui me permet de me téléporter d'un endroit à l'autre. Vous n'avez pas besoin de laisser le réalisme limiter votre imagination. Pour une maison de banlieue, un trajet naturel pourrait commencer par la cour avant, entrer dans le garage puis explorer chacune des pièces avant de sortir par la porte arrière. Mais vous pourriez tout aussi bien choisir de commencer sur le toit, sauter dans la cour en avant, faire le tour de la maison, entrer dans la salle de bain en passant par la fenêtre, explorer quelques pièces avant de creuser un tunnel imaginaire qui mène chez le voisin ou encore qui vous fait apparaître magiquement à l’autre bout du monde.
Maintenant que vous avez au moins une vague idée du trajet que vous souhaitez emprunter, vous allez choisir les endroits précis où vous allez placer vos images. Les débutants font souvent l'erreur de ne placer qu'une seule image par pièce. Cela fonctionne, mais cela augmente inutilement la quantité d'espace nécessaire. Aussi, lorsque plusieurs images sont dans la même pièce, elles peuvent interagir les unes avec les autres, ce qui a souvent pour effet de les rendre encore plus mémorables. Il y a une infinité de façons possibles d'organiser un palais, mais en voici une qui est populaire parmi les mnémonistes de haut niveau: 5 stations ou "loci" par pièces ou zones. Cette vidéo offre un exemple de cette forme d'organisation. "Loci" est le mot latin pour dire lieux, en gros c'est juste un endroit précis où vous allez placer des images. J'utilise le mot "station" pour décrire la même chose. Si votre palais de mémoire commence avec une statue dans un parc et que vous souhaitez d’abord placer une image sur la tête de la statue, une image à ses pieds puis une image sur le banc à côté, vous pourriez dire que ces trois emplacements sont vos trois premières stations. Quant aux “zones”, ce n’est qu’une façon de diviser artificiellement votre palais de mémoire en différentes sections d’importance comparable. Dans un appartement, bien souvent chaque pièce va être considérée comme une zone. Si votre lieu est à l’extérieur, ce sera à vous de choisir arbitrairement comment vous souhaitez l’organiser. Quatre “zones” d’un parc pourraient par exemple être: 1- L’entrée du parc 2- Autour des jeux 3- Le terrain de volley-ball 4- Les tables à pic-nic et ainsi de suite. Ce n’est pas grave si la quatrième zone est un peu loin de la 3e, dans notre tête on peut voyager bien rapidement d’un endroit à l’autre. Voici un exemple théorique montrant comment un palais de mémoire peut être divisé en zones de 5 “stations” chacune.
L’agencement de ce palais de mémoire est très standard, avec chaque grande pièce correspondant à une zone. Pour une raison X, peut-être à cause de la petitesse de la salle de bain, on a choisi de combiner les deux dernières pièces en une seule zone. Le trou imaginaire dans le mur (3e station de la dernière zone) n’était absolument pas nécessaire, mais bon pourquoi pas? Maintenant ce “palais théorique” n’est qu’un vague plan que je vous présente pour vous donner une idée générale de façon de procéder, n’allez pas perdre votre temps à tenter de l’utiliser comme palais de mémoire! Un palais de mémoire que vous ne pouvez pas visualiser ne serait-ce que vaguement n’est pas particulièrement utile. Si vous souhaitez absolument que je fasse tout le travail à votre place, cliquez plutôt ici pour télécharger un exemple de palais de mémoire virtuel que vous pouvez choisir d’utiliser si vous le souhaitez. Cela va peut-être prendre un moment avant que vous ne puissiez bien visualiser le trajet dans votre tête, mais cela devrait finir par fonctionner. Cependant, vous devriez vraiment prendre la peine de créer au moins deux ou trois palais de mémoire à partir de lieux que vous connaissez.
Choisissez donc plutôt un lieu et choisissez vous-même votre trajet et vos stations. Vous pourriez décider de placer 8 stations dans une zone et seulement 2 dans une autre, mais le fait d'avoir un nombre constant de stations par zone permet de simplifier un peu les choses et de minimiser les chances que vous oubliez de passer quelque part. Vous pouvez ordonner vos stations en les plaçant dans le sens des aiguilles d’une montre, ou du haut vers le bas, du bas vers le haut ou comme bon vous semble selon ce que vous inspire la pièce. Dans une pièce sans meuble, la 1ère station pourrait être au plafond, la 2e en plein milieu de la pièce, les 3e et 4e dans 2 coins de la pièce et la dernière sur la fenêtre. Personnellement, sois je choisirais d’ignorer la pièce sans meuble, soit je la considérerais comme faisant partie intégrante d'une autre pièce à côté, ou soit encore je la rendrais plus mémorable en y ajoutant mentalement disons un arbre imaginaire juste au milieu. Idéalement vos stations devraient être assez prêtes les unes des autres pour que vos images puissent interagir, mais pas trop prêts pour ne pas que ce soit trop mélangeant. Évitez aussi de surutiliser des pièces et des endroits qui se ressemblent trop. Un palais de mémoire dans une école pourrait inclure deux ou trois ou quatre ou cinq classes, mais pas vingt. Et ce n’est pas grave si votre palais de mémoire inclut comme stations plusieurs lits, plusieurs poubelles et plusieurs portes et fenêtres, mais sachez que plus vos stations se ressemblent, plus les risques de confusion augmentent.
Une fois votre trajet construit, que vous l'ayez noté ou simplement imaginé, tentez de le parcourir quelques fois dans votre tête, du début à la fin puis de la fin jusqu’au début, si possible en allant de plus en plus vite. Votre premier palais d’entrainement est prêt et vous pouvez dès maintenant l’utiliser pour rapidement retenir des listes d'un peu quoi que ce soit. Si vous êtes un débutant, la mémorisation de chiffres va d’abord nécessiter la construction d'un système qui ne vous sera pas immédiatement familier, mais vous pourriez commencer à pratiquer la mémorisation de mots aléatoires dès aujourd'hui et rapidement atteindre des résultats bien supérieurs à ceux que vous pourriez obtenir par la répétition.
Vous pouvez placer une seule image par station, ou 2, ou 3. En placer trop risque de mener à la confusion, mais en placer 2 semble avoir l'effet de simplement renforcer les 2 images en question. Les mnémonistes les plus doués en placent généralement deux, mais plusieurs n'en placent qu'une seule et quelques-uns en placent trois ou quatre. Pour les chiffres, je donne un exemple de ce à quoi pourrait ressembler les 20 premières décimales de pi placées dans une petite pièce dans le document “Organisation des images pour les chiffres” qu’on trouve dans la section "Comment mémoriser des chiffres" du site. Pour les mots aléatoires, discipline que je considère fondamentale (les habiletés que vous développez en mémorisant des mots aléatoires sont les mêmes qui vont vous être particulièrement utiles quand vous souhaiterez retenir les principaux points de vos notes de cours ou d’un livre que vous avez lu), je place 2 mots par station, donc 10 mots par zone. Cliquez ici une liste de 800 mots aléatoires que vous pouvez utiliser pour vous pratiquer un bout de temps. Les 10 premiers mots de la liste sont:
En fait ce ne sont pas exactement les 10 premiers mots, j'ai changé les 4 derniers pour que ce soit légèrement plus difficile. Placées dans la pièce ci-dessous voici ce à quoi mes images ressembleraient pour cette liste:
1- Près de l'entrée, mon ex-copine (partenaire) m'attend assise par terre pour jouer aux échecs (jeu).
2- Sur la porte du garde-robe, une plaque magique (plaque) est imprégnée de l'esprit de Jésus Christ en personne. Oui oui, j'y crois (croire).
3- Sur le divan, le vendeur de trèfles à 4 feuilles (trèfle) vante sa promotion "4 trèfles pour 1 sou" (sou).
4- Sur la petite table, des Athéniens votent sur quelque chose (démocratie) alors que Donald Trump vient perturber le processus en leur lançant une boule de quilles (chambouler).
5- Un mystérieux personnage vêtu d'une cape se déplace sans faire de bruit et se cache derrière la télé (furtivement). Au-dessus de lui se trouve une petite galaxie (cosmique).
Voilà, aucune de ces images n'est particulièrement réfléchie. Les images n'ont pas besoin de parfaitement représenter l'information correspondante pour être efficaces. Lorsque c'est nécessaire, je peux me faire une note mentale pour me rappeler que sou vient avant trèfle, ou au besoin modifier l'image de façon à ce que ça soit clair. Cela peut sembler fastidieux, mais avec un peu d'entrainement, le processus peut devenir très rapide. On retient 100 mots avec 10 pièces ou zones comme celle-ci. Et parce que notre mémoire des images et des lieux est naturellement beaucoup plus puissante que notre mémoire à court terme, retenir 100 mots n'est pas beaucoup plus difficile que d'en retenir 10. C'est juste plus long et cela nécessite un palais de mémoire un peu plus grand, ou deux petits.
Cliquez ici pour télécharger un exemple de palais de mémoire virtuel que vous pouvez choisir d’utiliser si vous le souhaitez.
Cliquez ici pour d’autres exemples d’épreuves de compétitions de mémorisation.
Plan d’entrainement suggéré:
Si vous ne souhaitez pas devenir un ou une maniaque du sujet, mais aimeriez tout de même développer une certaine aisance pour l’utilisation des techniques de mémorisation, voici une ébauche de plan d’entrainement pour débutant que je crois pouvoir suggérer.